Skip to main content

Rapport | Réalité des espaces culturels : repenser les politiques et imaginer les utilisations futures

Rapport | Réalité des espaces culturels : repenser les politiques et imaginer les utilisations futures

Préparé par le Centre de politique culturelle de l’École universitaire d’art et de design de l’Ontario (ÉUADO)

A person in a cultural costume

Le 5 mars 2024, le Centre de politique culturelle de l'université a organisé une table ronde virtuelle, intitulée Réalité des espaces culturels : repenser les politiques et imaginer les utilisations futures, qui a réuni des dirigeants du secteur culturel afin qu'ils partagent leurs idées sur les défis actuels et les possibilités futures des espaces culturels dans leur contexte respectif. Les panélistes étaient Terri-Lynn Brennan deInclusive Voices (Ottawa), JP Longboat de Circadia Indigena(territoire algonquin), Julie Whitenect d'ArtsLinkNB (Nouveau-Brunswick), Mélanie Courtois et Julie Favreau du of Laboratoire dinnovation pour les espaces de création (Montréal), et Brian McBay de 221A (Vancouver). Vous trouverez ici les renseignements sur l'événement et l'enregistrement. Le scénario qui a encadré nos discussions est également disponible sous forme d'un document d'introduction sur les espaces culturels dans les politiques et la pratique.

Dans le présent rapport, nous analysons comment le Centre et ses partenaires peuvent approfondir les champs d'étude qui modifient considérablement la manière dont nous désignons, envisageons et soutenons les espaces culturels dans un contexte de précarité importante qui met en péril le paysage culturel.

Le défi en question

Les espaces culturels sont souvent considérés comme des espaces physiques où les gens se rassemblent pour présenter et pratiquer des activités culturelles, telles que la musique, la danse et les arts visuels. Ils servent de lieux de réjouissance, d'appartenance, de collaboration et d'échange interculturel, rassemblant des personnes dont les origines, les expériences et les identités sont différentes. Des galeries d'art, des studios, des centres communautaires, des salles de spectacles, des cinémas et d'autres lieux culturels importants se trouvent dans les communautés rurales, suburbaines et urbaines à l'échelle du Canada. En tant que lieux de partage de la culture, ces endroits font souvent office de « troisième » espace où les gens se rassemblent à l’extérieur de leur domicile (premier espace) et de leur lieu de travail (deuxième espace). Cependant, au cours des quatre dernières années, et en raison de la pandémie de COVID-19, les frontières entre les espaces traditionnels et les espaces moins reconnus officiellement ont été brouillées, entraînant la disparition de nombreux troisièmes espaces en dépit de leur importance sociale, économique et culturelle.

Voici quelques exemples récents de précarité et de perte d'espaces culturels au Canada :

  • En 2021, une cinquantaine d'artistes ont été expulsés de leurs ateliers au 888 Dupont, un immeuble centenaire de Toronto aux loyers exceptionnellement abordables, pour construire une copropriété.
  • En 2023, le Réseau des exploitants indépendant canadiens (NICE) a demandé une aide d'urgence pour préserver de nombreux cinémas indépendants très prisés au Canada.
  • Au début de 2024, Artscape, le plus important fournisseur d'espaces pour artistes à but non lucratif au Canada, a été mis sous séquestre après plus de 30 ans en raison d'une dette insoutenable. Des partenaires de l'ensemble du secteur culturel ont dû s'unir pour trouver des solutions, en soutenant la collecte de fonds et la restructuration opérationnelle de 10 des 14 pôles culturels d'Artscape.
  • En mars 2024, Hills Strategies a publié les résultats clés d'une enquête sur les lieux culturels au Nouveau-Brunswick, qui a mis en évidence le manque de financement et de revenus durables comme un enjeu majeur.

Toujours en mars 2024, l'Association canadienne de la musique sur scène a publié un appel à l'action urgent pour que le gouvernement fédéral soutienne dans son budget les lieux et festivals de musique en péril. Dans le Budget de 2024, 31 millions de dollars ont été affectés sur deux ans pour soutenir les festivals et les diffuseurs de spectacles par l'intermédiaire du Fonds du Canada pour la présentation des arts et le maintien du soutien au Fonds de la musique du Canada. Cependant, d'autres fonds qui soutiennent les espaces culturels, comme le Fonds du Canada pour l'investissement en culture et le Fonds du Canada pour les espaces culturels, seront réduits au cours des prochaines années.

Outre la précarité et la perte d'espaces culturels, les industries artistiques et créatives du Canada subissent des pressions qui ne sont pas propres au secteur : la crise climatique et la nécessité de repenser la manière dont l'environnement bâti doit changer; la diminution du nombre de spectateurs lors des événements artistiques et culturels dans de nombreuses communautés; et les fermetures, l'augmentation des coûts et les pressions liées à l'abordabilité pour la rénovation et la construction d'espaces. Ces pressions ont un impact sur l'abordabilité, la disponibilité et l'état des espaces culturels et nécessitent une réponse politique immédiate.

Par ailleurs, dans le contexte des politiques culturelles canadiennes, les pratiques professionnelles culturelles occidentales, et les espaces spécialisés dans lesquels elles ont lieu, ont été la principale source de soutien gouvernemental, ce qui a conduit à l'exclusion et à la sous-représentation d'un grand nombre de pratiques et d'espaces culturels variés. Les définitions « d’espace culturel » et de « patrimoine culturel » figurant dans les politiques canadiennes, surtout au niveau fédéral, tendent à refléter les structures et les traditions coloniales. Les cadres de politiques culturelles et les programmes de subvention des espaces culturels ne reconnaissent souvent pas les pratiques artistiques et culturelles qui ne relèvent pas de la tradition professionnelle de l'Europe occidentale. En conséquence, les artistes et les travailleurs culturels sonnent l'alarme et réclament une augmentation des investissements (et de l'accès) dans des espaces qui reflètent un grand nombre de besoins et d'expressions artistiques et culturelles diversifiées. Il s'agit notamment de soutenir les espaces où les membres de diverses communautés autochtones et ethnoculturelles se réunissent pour présenter et découvrir des pratiques culturelles matérielles et immatérielles.

De nombreux décideurs politiques et bailleurs de fonds ont conscience de ces défis et de la nécessité d'aborder la question fondamentale des origines coloniales et des définitions utilisées dans les politiques relatives aux espaces culturels, qui requièrent à la fois des méthodes novatrices et un soutien politique solide à tous les paliers de gouvernement. Des cadres stratégiques tels que Canada créatif de Patrimoine canadien et le plan culturel de la ville de Calgary soulignent la nécessité d'investir dans la prochaine génération d'espaces et de ressources culturels. Dans ce contexte, il convient d'adopter pour le secteur culturel de nouvelles démarches afin de s'assurer que les systèmes de financement, les mesures incitatives du secteur privé et les autres mécanismes politiques sont adaptés à la situation actuelle et aux défis urgents qu'elle soulève.

(Repenser) les espaces culturels

Comment les politiques culturelles peuvent-elles soutenir le plus efficacement possible les espaces culturels? Quels sont les outils et les changements nécessaires pour que les espaces culturels soient définis, conçus, désignés et protégés de manière à répondre aux besoins des créateurs et des communautés?

Lors de la récente table ronde sur la Réalité des espaces culturels organisée par le Centre, les panélistes se sont penchés sur ces questions. Ils ont souligné que de nombreux lieux sont exclus des espaces culturels alors qu'ils sont des lieux de célébration, d'expression artistique, d'échange culturel et de tradition. Ces formes de culture immatérielle peuvent se trouver dans des bâtiments polyvalents tels que des centres communautaires ou des bibliothèques, qui apportent une valeur culturelle significative aux communautés. Il en va de même pour les quartiers importants sur le plan culturel, tels que les quartiers chinois ou les quartiers indiens. Les salles de réception, lieux couramment utilisés pour les cérémonies et célébrations culturelles telles que les mariages dans de nombreuses communautés de nouveaux arrivants et d'immigrants, sont un autre exemple d'espaces culturels qui méritent d'être mieux reconnus et protégés grâce à la planification, aux politiques et au zonage. Ces espaces ont une valeur intrinsèque en tant que lieux où les gens éprouvent un sentiment de connexion et d'appartenance culturelle.

La table ronde a réuni deux praticiens culturels kanien'kehá:ka (mohawk) de l'Indigenous Creative Spaces Project et créateurs du rapport À contre-courant, Terri-Lynn Brennan, Ph. D., et JP Longboat. Dans ce rapport issu d'un partenariat de plusieurs années avec ArtsBuild Ontario, ils exposent le défi à relever : « Sans de multiples espaces sécurisés, audacieux et accueillants, liés au sentiment d’appartenance au territoire, les artistes Autochtones et les communautés externes risquent de ne jamais se sentir à leur place dans un lieu conçu par les colonisateurs[i] ». Dans le rapport, les auteurs explorent les nombreuses facettes des espaces créatifs autochtones. Ces espaces sont des structures concrètes ou des espaces spirituels sans support physique qui témoignent d'une compréhension culturelle, d'une fierté pour l'identité culturelle ou qui racontent des histoires à l'aide de repères culturels. 

Le rapport souligne en outre que les décideurs politiques occidentaux doivent faire évoluer les systèmes afin d'accepter et de soutenir la souveraineté et l'autodétermination des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne les espaces culturels autochtones. Pour les décideurs politiques, il s'agit notamment de respecter les systèmes de connaissances autochtones, les processus autogérés, l'expression culturelle et les paysages, ainsi que de réparer activement les relations avec les peuples autochtones[ii]. Si les gouvernements cherchent à atteindre les objectifs des 94 appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada et à établir des relations réciproques avec les peuples autochtones, les décideurs politiques doivent adopter les savoirs et les modes de rassemblement autochtones et accepter d'être guidés par eux.

Selon Mme Brennan et M. Longboat, la première étape consiste à reconnaître la vérité des histoires autochtones, car la vérité est particulièrement importante pour soutenir les démarches de réconciliation et d'autodétermination des Autochtones. Les peuples non autochtones doivent encourager des rapports réciproques avec les peuples autochtones, ainsi que des rapports avec les environnements qui les entourent, afin de favoriser une écologie culturelle nouvelle, saine et concertée. En outre, les gouvernements doivent accepter le patrimoine culturel des communautés autochtones et leur désignation des espaces culturels. Comme l'indique le rapport, pour faire progresser l'autodétermination autochtone, « tous les organismes fondés sur des systèmes de connaissance occidentaux doivent évoluer pour reconnaître la légitimité égale de la pensée, de la planification et de l’action autochtones, tout en acceptant le leadership des Premiers Peuples dans tous les domaines impliquant des initiatives autochtones[iii] ».

Politiques d’espaces culturels immatériels

De nombreux espaces culturels, dont ceux qui sont importants pour les communautés autochtones et diverses communautés, échappent aux cadres stratégiques conventionnels. Ces espaces sont souvent inadmissibles aux mesures de protection, aux possibilités de financement, aux avantages fiscaux et autres mesures incitatives connexes. Si certains instruments politiques municipaux, provinciaux et fédéraux soutiennent les espaces traditionnels, ils ne couvrent pas entièrement l'étendue des espaces où les gens se consacrent à leur culture. La table ronde a souligné que le système actuel est trop rigide et ne correspond pas aux expériences culturelles des communautés. Dans l'ensemble, le dialogue a mis en évidence la nécessité d'élaborer des définitions qui reflètent plus clairement les diverses pratiques artistiques et culturelles.

Une définition stratégique, l’Article 2 (1) de la Convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, a abordé cette question en associant les espaces culturels aux composantes du patrimoine culturel immatériel - essentiellement, tout espace où se trouvent « des pratiques, des représentations, des expressions, des connaissances, des compétences... que les communautés, les groupes et, dans certains cas, les individus reconnaissent [comme] faisant partie de leur patrimoine culturel[iv] ». Dans cette optique, les participants à la table ronde ont affirmé que les définitions et les modifications des politiques relatives au patrimoine culturel devraient être décidées « par et pour » les communautés. Ils ont souligné la nécessité pour les décideurs politiques d'envisager de redéfinir ce qui est reconnu comme un espace culturel dans le contexte canadien afin d'inclure les biens du patrimoine culturel établis par les communautés qui créent, maintiennent et transmettent la culture. 

L'UNESCO affirme que le patrimoine culturel ne se limite pas aux monuments et à la collection d'objets, mais qu'il comprend plutôt « les traditions ou expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants[v] ». Ce champ d'application reconnaît le patrimoine culturel immatériel, y compris les pratiques culturelles et les systèmes de connaissances autochtones qui sont transmis, comme un élément à sauvegarder dans les politiques culturelles. Comme l'a souligné la table ronde, privilégier une démarche réceptive et centrée sur les relations dans le processus décisionnel en matière de politiques culturelles permettrait de démontrer l'immense valeur que le patrimoine culturel immatériel et les espaces culturels confèrent aux communautés.

Repenser les politiques pour les harmoniser aux relations communautaires et aux conceptions de la culture fondées sur les lieux pourrait permettre de mieux représenter et sauvegarder le patrimoine culturel immatériel et les espaces connexes de différentes communautés du pays. Cette méthode tirerait profit d'outils et de solutions stratégiques qui garantissent la viabilité, la continuité et la transmission du patrimoine culturel immatériel d'une génération à l'autre. En pratique, on pourrait commencer par des programmes de financement tels que le Fonds du Canada pour les espaces culturels de Patrimoine canadien, en élargissant leur définition de l'espace culturel, en faisant preuve de souplesse dans les exigences de demande tout en se montrant ouvert au financement de projets pilotes ou des utilisations expérimentales de l'espace de manière innovante et en offrant des mesures incitatives pour des accords de propriété ou d'utilisation différents.

Modèles d'intendance des espaces et collaboration intersectorielle

La table ronde a souligné l'importance d'établir des rapports réciproques et de reconnaître les liens mutuels entre les modèles à but non lucratif (généralement axés sur la communauté) et les modèles à but lucratif (axés sur le capital). La discussion a porté sur l'utilisation de modèles novateurs gérés par les communautés, tels que les fiducies foncières communautaires, en soulignant la nécessité de renforcer les capacités des communautés et d'octroyer des fonds supplémentaires.

Dans tout le pays, les membres de communautés travaillent à trouver des solutions constructives, telles que les Community Land Trusts (CLT), pour protéger la diversité culturelle et économique de leurs quartiers respectifs. Les CLT sont généralement des sociétés à but non lucratif dirigées par la communauté qui achètent, gèrent et conservent des terrains sur lesquels sont construits des logements, des espaces culturels ou d'autres actifs. Ils ont pour objectif ultime d'assurer la pérennité du caractère abordable et des avantages pour la communauté. En 2017, le Kensington Market Community Land Trust) (KMCLT) est apparu comme une réponse communautaire au retrait progressif de plusieurs résidents et petits commerces familiaux du quartier Kensington Market, important sur le plan culturel, à Toronto. En décembre 2022, 221A a publié un dossier de soutien à l'investissement régénérateur dans le secteur culturel de Vancouver, soulignant que plus de 400 espaces de production artistique, galeries d'art et salles de spectacles fermaient rapidement. Dans sa demande de soutien, 221A a proposé la création d'une fiducie foncière culturelle pour répondre aux besoins pressants du secteur, en tant que

« modèle collectif pour les artistes, en particulier les artistes à faible revenu, les personnes handicapées, LGBTQ2IA+ et PANDC, afin d'ouvrir de nouvelles voies vers la gestion durable des espaces culturels, la stabilité des loyers et la prospérité de la communauté ».

Les panélistes ont souligné que les voix des communautés sont trop souvent exclues des forums d'élaboration des politiques qui façonnent leurs espaces de vie, de travail et de rassemblement. L'année dernière, le Community and Cultural Space Trust (CCST), un organisme communautaire à but non lucratif installé à Toronto, est né pour gérer et administrer un fonds de deux millions de dollars destiné à l'aménagement d'espaces communautaires et culturels. Le CCST a uniquement été possible grâce aux efforts d'organisation communautaire de l'initiative Build a Better Bloor Dufferin (BBBD) pour négocier avec la ville et les promoteurs la vente et le réaménagement d'une ancienne école sur un terrain public de 7,3 acres. BBBD a également vu l'affectation de 15 millions de dollars à une fiducie foncière pour le logement abordable et la création d'un immeuble de 59 logements abordables, d'un parc public et d'un centre communautaire de plus de 35 000 pieds carrés, qui seront cédés à la ville.

Même si cet accord sur les avantages pour la communauté est perçu comme une grande réussite communautaire, les promoteurs ont récemment proposé une « dérogation mineure » pour supprimer plus de 2 800 pieds carrés d'espace communautaire, soit la taille d'un auditorium de 200 places, ce qui représenterait une perte importante pour la communauté. Pour exercer leur devoir de diligence raisonnable et garantir de meilleures pratiques, les décideurs politiques doivent recruter un large éventail de membres de la communauté pour participer aux processus décisionnels. Le fait de réserver plusieurs places à la table pour les membres de la communauté permet de s'assurer que les réponses politiques sont éclairées par les besoins et les expériences réels des personnes concernées.

En outre, ce dialogue a révélé le besoin d'emprunter à d'autres secteurs et territoires des méthodes stratégiques qui se sont avérées efficaces pour favoriser le changement. Par exemple, les politiques du Community Benefits from Development Plan de la ville de Vancouver décrivent les programmes payés par les promoteurs immobiliers de Vancouver pour financer des services tels que des logements sociaux, des espaces en garderie, des parcs et des aménagements de parcs, et pourraient être utilisés pour financer des espaces culturels. Des modèles de programmes stratégiques comme ce cadre d'avantages communautaires pourraient être adaptés pour un programme régional particulier qui répondrait aux besoins des communautés concernant les espaces culturels dans l'ensemble du Canada.

Les organismes mêmes qui travaillent à la gestion et à la pérennisation des espaces pour le bien public requièrent un soutien financier durable de la part des secteurs privé et public, des méthodes novatrices et des partenariats fondés sur les relations. La table ronde a permis de constater que de nombreux organismes communautaires et fiducies foncières nécessitent un financement de fonctionnement et de renforcement des capacités pour poursuivre leurs travaux en faveur des communautés et du secteur culturel dans son ensemble. Le stress et l'épuisement des artistes et des travailleurs culturels ont été signalés comme des obstacles de taille qui révèlent la nécessité d'un renforcement des capacités. Comme le montre la réduction proposée de l'espace du centre communautaire, même les accords formels peuvent être précaires et entraîner des problèmes de capacité pour la communauté. La modification proposée à l'accord de règlement initial en matière d'avantages communautaires prouve que, même dans le cadre de nouveaux aménagements, les communautés ont besoin du soutien du gouvernement et de solides politiques pour garantir la préservation des espaces culturels.

Pour favoriser des collaborations efficaces entre les organismes gouvernementaux, le secteur privé, les communautés autochtones et les communautés en quête d'équité, il est essentiel de laisser une place à la prise de décisions par les communautés lors de l'élaboration des politiques. Comme le dit Brian McBay, fondateur de 221A, « les bailleurs de fonds et les décideurs politiques peuvent-ils [jouer le rôle de] grands-parents et soutenir l'achat viable de terres, en prévoyant le verrouillage des actifs, afin qu'ils servent le bien public et soutiennent la souveraineté autochtone? ».

Champs d'étude

Les champs d'étude suivants s'appuient sur les perspectives partagées lors de la table ronde du Centre et les approfondissent. Bien que les priorités particulières et les mécanismes stratégiques devraient être adaptés pour tenir compte de l'ampleur, des applications et des effets des différents contextes législatifs et organisationnels, les champs d'étude généraux qui suivent pourraient contribuer à opérer des changements dans le secteur culturel :

Repenser les cadres stratégiques pour intégrer les systèmes de connaissances autochtones : Les cadres stratégiques actuels ne tiennent pas compte des expériences et des besoins des communautés autochtones. Les décideurs politiques doivent se détacher des mécanismes stratégiques coloniaux pour collaborer véritablement avec les peuples autochtones. Comme le souligne le rapport À contre-courant, cette approche devrait admettre l'existence d'un système autodéterminé autochtone distinct, parallèle aux systèmes occidentaux, respecter les droits des Autochtones sur les espaces culturels et les terres, reconnaître la valeur intrinsèque des systèmes de connaissances et des pratiques culturelles autochtones et donner la priorité à l'établissement de rapports de réciprocité.

Élargir les définitions et les mesures de soutien en faveur des espaces culturels : Bon nombre des critères actuels de définition et de désignation des espaces culturels sont restrictifs et ne tiennent pas compte d'un grand nombre d'espaces ayant une valeur culturelle importante. Pour assurer une meilleure adéquation entre les besoins de la communauté et les objectifs culturels du gouvernement, les décideurs politiques doivent étendre leur compréhension de ce qui constitue un espace culturel afin d'y inclure des lieux non traditionnels et définis par la communauté. Cela est particulièrement vrai dans les régions rurales et isolées, où les coûts et la disponibilité des espaces sont tels que les activités culturelles se déroulent souvent dans un centre communautaire, une bibliothèque ou un autre espace. L'élargissement des mécanismes de soutien et des fonds d’infrastructures aux niveaux municipal, provincial et fédéral pour refléter une compréhension nuancée de ces espaces et des communautés qui les créent est essentiel pour entretenir une écologie culturelle diversifiée. Il convient d'envisager de s'inspirer du débat mondial sur une démarche intégrée de sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel. De nombreux décideurs politiques adoptent cette démarche, comme le plan culturel de la ville de Calgary, qui présente plusieurs cadres polyvalents et pratiques optimales. Ceux-ci comprennent des définitions des nombreuses dimensions de la culture, des schémas culturels et des évaluations des industries créatives, ainsi que des modèles d'étalonnage et des études de cas comparatives.

Adopter une vision systémique pour relever les défis en matière de capacité et de précarité : Les nombreuses pressions qui s'exercent sur les espaces culturels, bien qu'elles ne soient pas propres au secteur, nécessitent des changements et des outils stratégiques collaboratifs et systémiques. Il faut également que les personnes qui travaillent dans les espaces culturels et en tirent profit collaborent avec les décideurs politiques et les organismes qui définissent les politiques relatives aux outils et aux fonds destinés aux grandes infrastructures. Par exemple, au niveau fédéral, les travailleurs et les décideurs du secteur culturel pourraient établir des liens plus étroits avec Infrastructure Canada afin de favoriser l'inclusion et l’admissibilité des investissements visant l'infrastructure culturelle dans les outils d'infrastructure fédéraux. Il en va de même dans les provinces et les territoires, où les liens peuvent être renforcés avec les ministères et les organismes responsables de l'établissement des priorités et de l'attribution des fonds reçus des fonds d'infrastructure fédéraux. Ce constat s'applique également au niveau local. De nombreuses municipalités intègrent la planification de leurs espaces culturels dans le processus plus large de planification urbaine, ce qui donne des résultats prometteurs. Enfin, les secteurs public et privé doivent mettre en place des mesures de soutien globales pour renforcer les capacités opérationnelles des organismes culturels, afin qu'ils puissent s'adapter et répondre aux besoins des communautés qu'ils desservent. Il s'agit notamment de garantir un financement approprié et d'offrir des formations et des ressources pour assurer la résilience face aux pressions économiques.

Étudier les modèles de gestion des espaces et les outils stratégiques pour les espaces culturels : Les décideurs politiques devraient se pencher sur des modèles innovants de gestion des espaces, tels que les fiducies foncières communautaires et les programmes d'avantages communautaires, afin qu'ils puissent fonctionner en parallèle. Les fiducies foncières communautaires proposent des solutions pratiques pour gérer, préserver et soutenir les espaces culturels de manière à refléter les besoins de la communauté et à résister aux pressions du marché, garantissant ainsi la sauvegarde à long terme de l'expression et du patrimoine culturels. Les outils stratégiques et les programmes d'avantages communautaires existants, tels que Community Amenity Contributions (CACs), Development Cost Levies (DCLs), et Density Bonusing (DB) de la ville de Vancouver, peuvent contribuer à garantir l'intégration des espaces culturels dans les nouveaux projets de développement. En outre, les secteurs public et privé devraient appliquer les leçons tirées des travaux de la Fiducie nationale du Canada lors de sa conférence sur la transformation du patrimoine de 2023 et participer à la recherche continue de liens entre les lieux, les cultures et les pratiques lors de la prochaine conférence intitulée Créer des ponts de 2024.

Prochaines étapes

La table ronde sur les espaces culturels était la première d'une série de conversations sur les espaces culturels organisées par le Centre de politique culturelle de l'ÉUADO et ses partenaires. Une deuxième conversation de cette série aura lieu à l'automne 2024 et se traduira par un rapport sur les orientations stratégiques possibles. Le Centre de politique culturelle souhaite travailler avec les dirigeants du secteur culturel, c’est-à-dire les travailleurs artistiques, les chercheurs, les bailleurs de fonds et les décideurs politiques aux niveaux municipal, provincial et fédéral, pour élaborer des méthodes stratégiques novatrices visant à relever les défis liés aux espaces culturels.

Vous vous intéressez à cette discussion sur les espaces culturels ou voulez en savoir plus sur le Centre? Abonnez-vous à notre bulletin mensuel, suivez-nous sur LinkedIn ou communiquez avec nous.