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Rapport | Indiegraf, Centre de politique culturelle de l'ÉUADO et DemocracyXChange Atelier sur l'avenir du journalisme indépendant

Rapport | Indiegraf, Centre de politique culturelle de l'ÉUADO et DemocracyXChange Atelier sur l'avenir du journalisme indépendant

Préparé par le Centre de politique culturelle de l’École universitaire d’art et de design de l’Ontario (ÉUADO)

A hand holding a mobile phone.

Le 12 avril 2024, Indiegraf, le Centre de politique culturelle de l'École universitaire d'art et de design de l'Ontario (ÉUADO) et DemocracyXChange ont collaboré pour offrir un atelier sur l'avenir du journalisme indépendant. Un groupe de 25 journalistes indépendants, directeurs de l'information, bailleurs de fonds, philanthropes, chercheurs et décideurs politiques y ont participé. Ils ont formulé des idées précises sur les conditions et les soutiens nécessaires pour assurer la prospérité du secteur des médias d'information, et du journalisme indépendant, et pour alimenter une démocratie saine[1].

La discussion a été animée par Kelly Wilhelm, chef du Centre de politique culturelle de l'ÉUADO, et comportait trois volets :

  1. Une conversation préparatoire en présence d'Erin Millar (Indiegraf), Jeff Elgie (Village Media) et Gabrielle Brassard-Lecours (Pivot), suivie d'une discussion avec le groupe.
  2. Travail de groupe à examiner :
    1. Ce qui est nécessaire pour soutenir le journalisme et les médias indépendants aux stades du démarrage et de l'expansion.
    2. Comment s'assurer que les communautés vulnérables et en quête d'équité bénéficient d'avantages et de conditions favorables à l'élargissement de leur rayonnement?
    3. Comment faire en sorte que les prochaines étapes de la mise en œuvre du projet de loi C-18 influent favorablement sur le journalisme indépendant?
    4. Comment les participants à l'atelier peuvent travailler à se mobiliser pour faire valoir la contribution du journalisme indépendant à une démocratie saine.
  3. Une discussion finale pour définir les priorités d'action et le travail stratégique à venir.

Ce rapport sommaire donne un bref aperçu des principaux points issus de ces discussions.

I. Conversation préparatoire :

  • Certaines des initiatives récentes lancées par le gouvernement pour soutenir le journalisme ont été positives, mais d'autres ont été moins efficaces ou néfastes.
  • L'Initiative de journalisme local (IJL) et le Crédit d'impôt pour la main-d'œuvre journalistique canadienne sont conçus pour favoriser les médias traditionnels et ne tiennent pas compte de la réalité opérationnelle des petits médias indépendants, par exemple en exigeant des employés permanents à temps plein, alors que la norme est de plus en plus le travail à la pige ou à temps partiel.
  • Les mesures gouvernementales doivent être continues et prévisibles. Par exemple, l'IJL a été renouvelée au début de mars pour l'année financière 2024-2025, mais aucune précision n'a encore été donnée sur les lignes directrices ou le processus de demande. Il en résulte une précarité accrue pour les petites entreprises de médias et leurs journalistes financés par ce programme, dont beaucoup ont dû être renvoyés parce qu'il n'y a pas de liquidités pour combler le déficit.
  • La désignation d'organisation journalistique canadienne qualifiée a été accordée à 11 entreprises de presse depuis son entrée en vigueur, ce qui montre que son incidence a été limitée.
  • Les répercussions du projet de loi C-18 ont été négatives pour les médias indépendants. Pour reprendre les termes d'un participant, « notre situation est pire aujourd'hui que si C-18 n'avait jamais existé ».
  • Ces répercussions négatives ont été décrites de deux manières principales :
    1. L'incertitude entourant la loi et la réglementation au cours des dernières années a freiné l'investissement privé dans les organisations médiatiques, si bien que plusieurs médias ont perdu des contrats qui étaient très avancés et lucratifs.
    2. Le retrait des nouvelles du Canada par Facebook a effectivement éliminé un mode de distribution majeur pour les médias indépendants auprès de leur public. Sans cette connexion avec Facebook, de nombreuses entreprises ont perdu jusqu'à 80 % de leur public et n'ont aucun moyen de le regagner. Cette situation a un impact démesuré sur les médias autochtones et ethniques. Les jeunes entreprises, tout particulièrement, ont perdu la principale voie d'accès à de nouveaux publics.
  • Alors que le contexte des informations devient plus difficile et que les suppressions d'emplois se poursuivent, la main-d'œuvre faiblit et il devient difficile de trouver des journalistes prêts à accepter des emplois, même bien rémunérés.
  • Le niveau de risque personnel pris par les propriétaires/éditeurs de médias indépendants est très élevé et comprend souvent un risque financier personnel, car ils utilisent leurs actifs personnels, s'endettent ou ne se paient pas pour financer l'entreprise.
  • Le soutien aux médias locaux doit également provenir de l'extérieur du gouvernement, par exemple du financement social : les fondations intéressées par un fonds commun ou une approche à plus grande échelle du journalisme local.
  • Il est nécessaire d'agir en collaboration pour aider l'industrie dans son ensemble, et en particulier de collaborer au sein des communautés locales entre les différents acteurs existants (par exemple, Radio-Canada/CBC, les radios et télévisions communautaires et locales, les entreprises de presse écrite et numérique).

II. Les résultats des discussions de groupe sont résumés ci-dessous.

Démarrage et expansion - Quels sont les besoins? :

  • Simplifier et modifier les critères liés aux mesures existantes afin de faciliter la venue de nouveaux acteurs (première priorité : les pigistes devraient être inclus dans les critères d'admissibilité à l'IJL et au crédit d'impôt).
  • Donner un financement de base au début de la phase de démarrage, avant qu'une entreprise ne soit en mesure de bénéficier d'autres soutiens fédéraux (par exemple, ajouter un programme d'accélérateur à l'IJL).
  • Aider à la gestion de la trésorerie pendant les périodes creuses, en particulier pour les organismes qui reçoivent un financement rétroactif sous forme de crédit d'impôt ou qui demandent l'IJL.
  • Offrir des occasions de partage de connaissances et de processus (c'est-à-dire un modèle de collaboration avec un organisme établi à grande échelle) et à des ressources (c'est-à-dire des manuels de référence de l'industrie, des mécanismes de contrôle du contenu et de rédaction).
  • Soutien au recrutement de publics, en particulier en l'absence de Facebook.
  • En définitive, des solutions durables et à long terme sont nécessaires pour garantir la diversité de médias d'information de haute qualité aux niveaux local et national, qui soient adaptés au monde numérique.

Soutenir les communautés vulnérables et en quête d'équité

  • Les mesures de soutien pour les médias représentant les communautés vulnérables, et en particulier pour le journalisme autochtone, qui gagne à ce que les journalistes autochtones racontent les histoires de leur communauté, et qui exige souvent des journalistes qu'ils relatent des traumatismes ou en fassent l'expérience.
  • Soutenir les reportages axés sur la communauté et les événements connexes (par exemple, un programme de journalisme parrainé ciblant des sujets non couverts tels que les nouvelles hyperlocales propres au quartier, les initiatives de bénévolat, la couverture de thèmes liés aux personnes âgées, les prix décernés aux bâtisseurs de la communauté, etc.).
  • Les programmes de stage et de mentorat doivent aboutir à des débouchés professionnels rémunérés.
  • Un meilleur accès est nécessaire pour les PANDC et les médias par et pour d'autres groupes peu représentés.

Projet de loi C-18—Prochaines étapes :

  • La société de gestion collective unique qui sera choisie par Google dans les 30 à 60 prochains jours pour administrer les 500 millions de dollars au cours des cinq prochaines années obligera l'industrie à se regrouper sous un même toit.
  • Il est impératif que ce groupe travaille dès maintenant pour influer sur la manière dont la société de gestion collective se constitue, y compris sur ses structures de gouvernance et décisionnelles, et sur la manière dont elle peut servir le plus efficacement possible l'industrie dans son ensemble.
  • La structure de la société doit prévoir une forte représentation des nouveaux modèles économiques numériques et imprimés, des groupes peu représentés, des jeunes entreprises qui réussissent et de celles qui représentent l'avenir de l'industrie des médias d'information à mesure qu'elle continue d'évoluer.
  • Les retombées des 500 millions de dollars doivent aller au-delà des intérêts des acteurs historiques, et inclure une réflexion stratégique et une organisation autour de la société en tant que porte-parole de tout le milieu, y compris des petites entreprises indépendantes.
  • Examiner d'autres options que la formule basée sur les équivalents temps plein pour injecter des fonds d'innovation dans la création de chaînes de distribution et favoriser l'innovation dans les technologies/méthodes de publicité. La leçon à tirer des actions de Meta est que les entreprises médiatiques canadiennes doivent être propriétaires des chaînes de distribution.
  • Il est essentiel que les fonds C-18 soient administrés de manière efficace afin de minimiser l'incertitude des flux de trésorerie pour les éditeurs dès que possible.
  • Quantifier et mieux comprendre l'effet paralysant de l'interdiction de Meta de diffuser des informations afin d'éclairer les orientations politiques (un exemple : pour un média, 5,2 millions d'adeptes de Facebook dans la tranche d'âge des 18 à 40 ans).
  • Le gouvernement a la responsabilité d'agir rapidement à l'égard de Meta, que ce soit par des mesures incitatives, des règlements ou des pénalités.
  • Rechercher les possibilités de financer l'innovation, notamment en matière de développement des publics et de diffusion, dans la limite des 500 millions de dollars.

Mobiliser le soutien en faveur d'un journalisme indépendant et d'une démocratie saine :

  • L'objectif commun est un secteur des médias d'information solide, diversifié et adapté aux besoins, qui soutient une démocratie saine et transparente.
  • Le discours politique actuel a miné la crédibilité des médias d'information et du journalisme et porté atteinte à la perception. Des efforts concertés sont nécessaires de la part des partenaires, dont un grand nombre a participé à cette séance, pour changer cette situation.
  • Il est temps que des spécialistes de la mobilisation et de la création de mouvements mènent une action concertée et établissent des liens avec des réseaux, y compris avec des médias locaux.

III. Poursuite de l'action et du travail politique

Les participants ont convenu de poursuivre les discussions sur les priorités et de s'organiser en petits groupes autour d'actions prioritaires. Le Centre de politique culturelle de l'ÉUADO continuera de soutenir l'élaboration de politiques dans ce domaine, d'organiser des discussions comme celle-ci qui réunissent des professionnels de l'industrie, des chercheurs et des décideurs, et de rassembler des données et des connaissances pour aider à éclairer la prise de décision.


[1]Ces travaux font suite à une coalition d'éditeurs qui s'est d'abord mobilisée au printemps 2022 pour apporter des amendements au projet de loi C-18, et qui œuvre maintenant à s’assurer que les voix des médias indépendants soient entendues lors de sa mise en œuvre subséquente. Dans l'ensemble, 140 éditeurs de nouvelles locales ont participé à ce projet et se sont concentrés sur quatre éléments clés qui doivent être pris en compte : la transparence, la représentation des petits médias et des médias numériques dans les négociations, une formule qui fonctionne pour tous les modèles d'affaires (par exemple, les dépenses des journalistes), et des critères équitables. Un éditorial réclamant ces points est disponible ici.