Rapport | Les Histoires que nous racontons: narration de données et précarité financière des organismes dans le secteur des arts, de la culture et du patrimoine au Canada

À l'automne 2024, le Centre de politique culturelle de l'ÉUADO a lancé un projet national de recherche sur les politiques d'une durée de deux ans afin d'étudier un défi urgent et de longue date : la précarité dans le secteur des arts, de la culture et du patrimoine à but non lucratif au Canada.
La dernière publication du Centre, intitulée Les histoires que nous racontons, offre un aperçu de cette question fondé sur des données. S'appuyant sur les registres comptables de plus de 1 800 organismes artistiques et culturels financés par des fonds publics entre 2013 et 2023, le rapport fait le point sur la santé financière du secteur sur une période de dix ans, avant, pendant et après la pandémie de COVID-19.
Les conclusions sont sans appel. La disparition des aides d'urgence, conjuguée à la lenteur de la reprise des revenus privés et des revenus tirés de l'activité, a laissé de nombreuses organisations dans une situation précaire. Et si certains indicateurs généraux suggèrent une reprise, l'inflation et des fragilités structurelles ont sapé tout semblant de stabilité réelle, en particulier pour les petites et moyennes organisations qui fonctionnent avec peu de marge de manœuvre.
Les principaux constats:
- Une reprise qui masque des tensions sous-jacentes : les revenus et les dépenses des organisations ont initialement chuté pendant la pandémie, mais ont ensuite dépassé leurs niveaux prépandémie en 2021-2022 et ont continué à augmenter en 2022-2023. Cependant, l'inflation a entraîné une hausse des dépenses et érodé le pouvoir d'achat, ce qui signifie que cette croissance nominale ne correspond pas à une reprise en termes réels.
- Le rôle du financement public : les aides d'urgence accordées par les pouvoirs publics pendant la pandémie ont maintenu le secteur à flot, créant temporairement des excédents moyens records de 10,5 %. Mais lorsque ces aides ont pris fin, en 2022-2023, les organisations ont enregistré des déficits moyens de -2,2 %.
- Stagnation des recettes : la capacité des organisations à générer des revenus privés et propres a diminué pendant la pandémie et ne s'est pas encore rétablie. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les petites et moyennes organisations, qui ont toujours généré un meilleur retour sur investissement que leurs homologues plus larges.
- La vulnérabilité structurelle persiste : sans une croissance significative dans plusieurs domaines de financement (public, privé et généré), de nombreuses organisations resteront financièrement instables.
Ce rapport s'appuie sur une précédente étude du Centre publiée en 2025 sur les causes profondes de la précarité. Ensemble, ces deux publications mettent en lumière une réalité plus profonde : la précarité dans le secteur des arts n'est pas une aberration liée à la pandémie. Il s'agit d'une condition structurelle, ancrée dans l'environnement opérationnel du secteur. La pandémie n'a fait que révéler et accélérer des fragilités de longue date.
Contrairement au discours habituel qui suggère un retour à une « normalité » stable d'avant la COVID, Les histoires que nous racontons soutient qu'une telle normalité n'a jamais vraiment existé. Pour de nombreuses organisations, en particulier celles dirigées par des communautés méritant l'équité ou celles qui les servent, l'instabilité est depuis longtemps la norme. La hausse des coûts, les capacités d'évaluation limitées, les attentes croissantes et les mécanismes de financement inadéquats ont poussé le secteur vers un point de rupture. Et cette pression pèse le plus lourdement sur les artistes et les travailleurs culturels qui font vivre le secteur.
La question qui se pose aujourd'hui n'est pas de savoir comment se relever, mais comment se transformer.
Ce projet est financé en partie par le gouvernement du Canada.
