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Blog | Une conversation communautaire avec des artistes émergents : besoins, expériences et avenirs dans le secteur culturel

Blog | Une conversation communautaire avec des artistes émergents : besoins, expériences et avenirs dans le secteur culturel

Par Alycia Shanika, conseillère en matière de politiques, Centre de politique culturelle

A classroom with students sittings around tables.

Sommaire : Le 12 mars 2024, le Centre de politique culturelle de l'ÉUADO a animé une conversation communautaire avec des artistes émergents issus de divers milieux créatifs et culturels, qui ont partagé leurs expériences et leurs besoins, et envisagé un avenir florissant pour le secteur des arts et de la culture. Cette conversation visait à alimenter une série de consultations organisées par la ville de Toronto sur son plan d’action décennal pour le secteur culturel de Toronto. La rencontre organisée par le Centre s'adressait aux artistes émergents, aux concepteurs et aux travailleurs culturels pour s'assurer qu'ils aient leur mot à dire dans la planification de l'écosystème culturel de notre ville. Ce billet résume les points clés que nous avons entendus et que nous avons partagés avec la ville de Toronto pour qu'elle en tienne compte lors de la prochaine phase du processus de planification.

 

 

À qui nous avons parlé

Les 21 nouveaux artistes, concepteurs et travailleurs culturels qui ont participé à la séance ont de nombreuses identités et affiliations qui se recoupent avec les communautés queer, trans, nouvellement arrivées, racialisées et ethnoculturelles. Ces personnes vivent dans divers quartiers de la ville, de Roncesvalles/Parkdale à Scarborough et ailleurs. Nombre d'entre elles ont indiqué exercer d'autres activités que leurs pratiques artistiques et culturelles, notamment l'activisme, la santé et le mieux-être communautaires, l'urbanisme, le sport et le conditionnement physique.

Les participantes et participants s'engagent dans une variété de pratiques culturelles, notamment

  • le chant, la danse;
  • la céramique et la sculpture;
  • la peinture et le dessin;
  • l'écriture;
  • le cinéma et la photographie;
  • le spectacle, le métier d'acteur, le théâtre, la mise en scène;
  • les arts visuels pluridisciplinaires;
  • l'illustration, le graphisme;
  • le maquillage;
  • le travail culturel et la collaboration artistique au sens large.

La plupart des participantes et participants occupent plusieurs postes à temps partiel ou en tant qu'indépendants, tandis que les autres travaillent à temps plein dans le secteur culturel et poursuivent leurs pratiques artistiques à l'extérieur de leur travail. Pour ne donner qu'un exemple des identités et pratiques croisées, une personne est un artiste visuel multidisciplinaire de 29 ans, spécialisé dans l'illustration, la céramique, la peinture et le dessin, qui s'identifie comme personne queer, PANDC et originaire d'Asie du Sud. Cet artiste gagne sa vie en donnant des cours dans une école d'art, en animant des ateliers dans son studio et en vendant ses œuvres d'art en tant qu'entrepreneur créatif.

Ce que nous avons entendu

Les participantes et participants ont été invités à former des groupes et à s'engager dans un dialogue encadré, portant sur trois questions clés. Les points saillants et les réponses issus de ces discussions sont présentés ci-dessous.

Comment percevez-vous la culture à Toronto aujourd'hui?

Les participants ont fait part d'un large éventail d'activités, à la fois communautaires et individuelles, par lesquelles ils se consacrent à la culture. Le simple fait de rencontrer des artistes et de s'intéresser à leur travail est le plus souvent cité. Nombre d'entre eux, y compris des étudiantes et étudiants, ont estimé qu'ils étaient branchés sur la culture et qu'ils accumulaient de l'expérience par l’entremise d’activités d'enseignement/d’apprentissage, et de mentorat et de collaboration avec d'autres personnes. Les festivités et les soirées (fêtes techno, soirées DJ, fêtes de quartier, festivals de rue, etc.) sont les espaces où les gens se sentent les mieux connectés à leur communauté par la culture. La nourriture, les rassemblements informels et le sport sont également des occasions de créer des liens. Certains participants ont également noté que leur domicile était devenu un lieu important pour l'engagement culturel. Un contributeur, dont le commentaire est paraphrasé ici, a résumé ce qu'il jugeait finalement important lorsqu'il réfléchissait aux espaces dans lesquels il s'engageait dans l'art et la culture : « L'espace n'a pas vraiment d'importance, mais plutôt l'endroit où se trouvent les artistes et les gens qui m'entourent ».

Que vous faut-il pour mieux profiter de la culture à Toronto?

Une partie de la conversation était axée sur les obstacles à la participation à la vie culturelle. Les artistes émergents et les travailleurs culturels qui y ont contribué ont discuté de ce dont ils ont besoin pour surmonter ces obstacles ou de ce qui devrait être fait au niveau politique pour les éliminer. Le principal problème cité est le manque de logements abordables et d'espaces de création. En réponse à ce problème, les participants ont identifié les besoins suivants : sauvegarder des espaces accueillants et abordables pour vivre et travailler (c'est-à-dire des studios, des espaces gérés par des artistes, des centres communautaires, des espaces informels, etc.); rechercher des méthodes innovantes de création d'espaces pour garantir ces espaces; soutenir la programmation et les pratiques de rassemblement menées par et pour les artistes émergents au sein de ces espaces.

Un grand nombre ont également souligné les faiblesses du système de subventions existant pour les soutenir en tant que praticiens émergents. Certaines personnes interrogées ont souligné que le recours à un système de subventions imprévisible les a mis dans une situation de précarité financière. Ces personnes ont fait remarquer que le système de subventions n'offre pas aux artistes les moyens de gagner leur vie convenablement, à long terme et de manière durable. De plus, la nature compétitive du système les oppose à des artistes établis qui ont souvent plus de chances de recevoir un financement. La stagnation et les coupes dans les systèmes et organismes de subventions, dans un contexte de croissance des demandes, ont exacerbé les pressions ressenties par les personnes interrogées. L'une d'elles a notamment déclaré que recevoir une subvention lui donnait l'impression de "gagner à la loterie". En outre, les critères d'évaluation et de production de rapports pour certaines subventions ont été critiqués, les artistes affirmant que les exigences sont trop compliquées et que la nécessité de satisfaire à ces critères peut parfois freiner la créativité.

Les participantes et participants ont cité la précarité du travail comme l'un des principaux défis auxquels ils sont confrontés en travaillant dans le secteur. Un grand nombre ont fait part de leur expérience, qui consiste à essayer de joindre les deux bouts tout en gagnant de l'expérience dans des postes de débutants non ou mal rémunérés, dans un secteur où les salaires sont très bas. Les groupes ont généralement indiqué que ces faibles salaires endémiques résultaient en partie d'un manque perçu de reconnaissance du public pour la valeur que les artistes et les travailleurs culturels apportent à la ville. Ils ont l'impression que d'autres villes et états (en particulier en Europe) ont beaucoup plus d'estime pour les artistes et les travailleurs culturels, ce qui contribue à des conditions de vie et de travail plus acceptables.

Dans dix ans, à quoi devraient ressembler le secteur et la scène culturels de Toronto?

Enfin, les artistes émergents et les travailleurs culturels ont été invités à réfléchir à ce à quoi le secteur culturel de Toronto pourrait ressembler dans dix ans. Dans l'ensemble, les personnes interrogées avaient deux ambitions modestes pour l'avenir :

1) Vivre dans une ville où ils pourraient simplement avoir assez de ressources pour se permettre de vivre et de voir leurs besoins fondamentaux satisfaits.

2) Que les citoyennes et citoyens reconnaissent et valorisent la contribution qu'ils apportent à la ville en tant qu'artistes.

3) Faire en sorte que les artistes et les organismes peu représentés, ainsi que leurs initiatives connexes, soient soutenus et participent au processus décisionnel au sein de leur communauté.

Certaines personnes ont souligné l'importance de la communauté et ont souhaité un avenir où les activités culturelles menées par la communauté réduiraient la nécessité de la présence et de l'influence du gouvernement et des entreprises dans le domaine des arts.

 

 

Que faut-il faire?

Le Centre de politique culturelle a encouragé les artistes et les travailleurs culturels, tels que les personnes convoquées pour cette séance, à s'engager dans des discussions sur les politiques. Les participants ont été accompagnés dans des discussions exploratoires sur certains outils politiques qui pourraient être mis au point, testés, élargis ou peaufinés dans le cadre du plan culturel de la ville afin d'aider à éliminer les obstacles systémiques qui ont un impact sur les secteurs artistique et culturel.

Quelles sont vos principales solutions/idées sur la façon dont la ville peut soutenir la culture à Toronto?

Les participants ont proposé plusieurs pistes pour remédier à la précarité à laquelle ils sont confrontés en tant que créateurs émergents vivant dans une ville où les ressources et les possibilités d'emploi sont limitées. Parmi les solutions, citons l'aide au logement, l'augmentation des subventions et le renforcement de la recherche ou des mesures visant à piloter des programmes de garantie du revenu de base.

Leurs idées ont été compilées ci-dessous dans quatre catégories : 1) espace et abordabilité; 2) financement et ressources; 3) précarité du travail et valeur du travail créatif; 4) équité, accès et réparation dans le secteur culturel.

 

Espaces et abordabilité  

  • Soutien et protection des espaces 

    • Mettre en œuvre des mesures supplémentaires de contrôle des loyers.
    • Élaborer des politiques visant à protéger les espaces d'importance culturelle répertoriés par la communauté.
    • Accorder des subventions ou un financement municipal pour les espaces culturels existants.
    • Élargir la sous-catégorie de l’impôt foncier pour les installations de colocation créative.
    • Élargir les avantages communautaires pour les espaces culturels et les espaces de vie en colocation.
  • Création novatrice d’espaces 

    • Rechercher de nouveaux modèles de partage de l’espace pour les locaux d'art et de création.
    • Soutenir de nouveaux outils politiques pour les coopératives d'habitation et les fiducies foncières communautaires en s'inspirant des succès obtenus dans d'autres villes (Vancouver, C.-B.; Oakland, Ca).
    • Développer le financement municipal et les subventions pour les nouveaux espaces culturels.
    • Étudier la possibilité d'un zonage inclusif propre aux arts.
  • Concertation et programmation 

    • Offrir un financement axé sur les initiatives de soins communautaires et l'accessibilité.
    • Créer de nouvelles politiques de soutien qui protègent et encouragent la programmation et le rassemblement fondés sur les réussites locales (espaces publics (PlazaPOPs) et non locales (espaces intérieurs et extérieurs de Londres, Angleterre).
    • Mettre les politiques à jour afin de réduire les règlements et les obstacles à l'accès aux espaces publics pour favoriser la programmation.
    • Réduire les contraintes réglementaires en matière de politiques pour faciliter l'accès aux espaces publics à des fins de programmation et autres événements.
    • Soutenir les programmes et les événements dirigés par des artistes émergents afin de créer des réseaux.

 

Financement et ressources 

  • Soutien économique 

    • Soutenir la création d'un revenu fédéral de base garanti inspiré du succès de la PCU et d'autres programmes de soutien financier cohérent.
    • Offrir des allègements fiscaux pour renforcer la stabilité financière des artistes.
  • Allocation de fonds 

    • Élargir les programmes de subventions et prévenir les réductions budgétaires.
    • Réaffecter des fonds pour soutenir les artistes émergents.
    • Financer des œuvres qui proposent des récits alternatifs et critiques par rapport aux structures institutionnelles.
  • Structure des programmes

    • Élaborer des demandes de subvention qui donnent la priorité aux visions novatrices plutôt qu'aux paramètres rigides.
    • Établir un système de jumelage pour la collaboration entre les artistes et les institutions en se basant sur les succès obtenus dans d'autres territoires (par exemple, Business Arts South Africa).
    • Fournir des mécanismes de soutien financier de base afin que les artistes puissent financer leurs projets de manière indépendante, garantissant ainsi l'autonomie créative.

 

Précarité du travail et valeur du travail créatif 

  • Reconnaissance et valeur 

    • Mieux reconnaître les artistes et les travailleurs culturels pour leurs contributions.
    • S'efforcer de modifier la perception qu'a le public des artistes et les considérer comme des professionnels.
    • Accroître la valeur perçue des arts afin d'attirer diverses sources de financement.
  • Répercussions socio-culturelles

    • Réorienter le plan culturel pour privilégier des paramètres tels que la diversité, l'inclusion et le soutien à la santé plutôt que les retombées économiques.
    • Engager des discussions et des campagnes fondées sur les valeurs afin de rehausser la valeur sociétale des arts.
    • S'attaquer aux différentes formes de précarité du travail dans le secteur des arts.
  • Investissements et partenariats

    • Considérer les arts comme un service essentiel pour justifier les investissements.
    • Établir des partenariats entre le secteur privé, les activités philanthropiques et d'autres industries afin de reconnaître le rôle des artistes dans la résolution des problèmes.
    • Mettre en œuvre une stratégie qui quantifie les répercussions des arts sur la société.
    • Étudier comment les artistes peuvent surmonter la polarisation politique et contribuer à la cohésion sociale.

 

Équité, accès et réparation dans le secteur culturel

  • Cible stratégique 

    • Élaborer une stratégie en matière d'arts et d'équité en mettant l'accent sur les artistes émergents, en particulier ceux issus de groupes peu représentés.
    • Donner la priorité à l'équité, à l'accès, à la reconnaissance culturelle, à la réconciliation et à l'autodétermination autochtone dans la planification.
  • Répercussions socio-culturelles 

    • Soutenir les artistes locaux dans leurs efforts d'organisation en faveur des droits de l'homme et d'autres questions sociales.
    • Intégrer des changements systémiques pour l'équité culturelle (par exemple, supprimer le financement de la police, abolir le capitalisme, mettre fin à l'apartheid, élire de nouveaux dirigeants, déplacer le pouvoir politique).
    • Instaurer un programme de mentorat piloté par la ville afin de faciliter le partage des connaissances et des compétences, les occasions de mentorat et le réseautage entre les artistes émergents et établis qui sont traditionnellement sous-représentés dans le secteur.

 

En favorisant un dialogue constructif avec les artistes émergents et les travailleurs culturels, ces derniers peuvent jouer un rôle dans l'élaboration de politiques et dans le développement d'un écosystème culturel favorable. Le Centre se réjouit de poursuivre ce dialogue avec les artistes émergents et de participer à tous les niveaux de l'élaboration stratégique. Merci à tous les participantes et participants qui ont contribué à cette rencontre, ainsi qu'à nos animateurs et preneurs de notes Miru Yogarajah, Philip Leonard Ocampo, Yasmine Izmeth et Samuel La France!